Gesendet: Donnerstag, 13. April 2023, 02:31
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Betreff: "A la CEDH, le gouvernement suisse bricole avec le climat", par Laurence Martin et Jean-Yves Pidoux (Le Temps, mercredi 12 avril 2023 , p. 8 et en ligne à 6 h 33)
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La surprise est venue lorsqu'il s'est aventuré sur des             considérations climatiques. Deux arguments à la fois             contradictoires et irrecevables se sont télescopés dans son             propos.
             Le premier consiste à dire que la Suisse émet une proportion             minime de gaz à effet de
             serre. Elle n'aurait «pas de chance réelle» d'œuvrer contre             le dérèglement climatique. Le
             second consiste à dire qu'en dépit de cette impuissance, la             Suisse «ne nie pas qu'elle doit
             faire sa part».
Arithmétiquement parlant, une multiplication par zéro est égale à zéro: si la Suisse n'a aucune «chance réelle», la part qui lui incombe sera nulle. A la décharge du représentant du gouvernement suisse, on dira que les juristes sont souvent fâchés avec les mathématiques… A sa charge, on notera que le même gouvernement, le 4 avril, annonçait fièrement qu'une résolution suisse avait été adoptée par le Conseil pour les droits de l'homme. Cette résolution portait sur le droit à un environnement sain et durable. On ne saurait mieux illustrer la contradiction entre l'affirmation de grands principes et l'indifférence face à leur application.
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Voici quelques faits. Les émissions annuelles directes de             la Suisse, en chiffres absolus,
             sont d'environ 40 millions de tonnes équivalent CO2 en 2020.             Cela équivaut à 4,39 tonnes par personne, plus du double de             ce qui serait nécessaire pour respecter l'accord de Paris –             dont notre pays est signataire, et alors que cet accord ne             permet même pas de respecter les deux degrés centigrades             d'augmentation des températures. Pour ralentir le             dérèglement climatique, il serait nécessaire d'émettre moins             d'une tonne d'équivalent CO2 par habitant. Et voilà qu'un             communiqué de l'Office fédéral de l'environnement reconnaît,             ce 11 avril, «une légère hausse des émissions de gaz à effet             de serre en 2021». La Suisse fait-elle sa part?
Non, d'autant que c'est un truisme de rappeler que les             émissions directes ne sont qu'une
             partie de l'empreinte carbone effective. La Suisse importe             habits, équipements domestiques, outils de travail,             véhicules, etc., qui sont nécessaires à la vie en commun. La             véritable empreinte de nos comportements exige que l'on en             tienne compte et que l'on multiplie par trois le chiffre des             émissions directes. Selon l'Office fédéral de la statistique             lui-même, «l'empreinte gaz à effet de serre de la Suisse             s'élevait à 103 millions de tonnes d'équivalent CO2, dont             66% étaient émis à l'étranger» Cela porte les émissions de             gaz à effet de serre par habitant-e en Suisse à 13 tonnes.             Le jour du dépassement (le moment de l'année où l'on a             épuisé les ressources planétaires renouvelables) en Suisse             est en mai, alors qu'à l'échelle de la planète il tombe fin             juillet.
Ajoutons une note éthique. La rhétorique tenue devant la CEDH équivaut à dire: «j'agirai lorsque les autres auront bougé». Rappelons «l'impératif catégorique» de la philosophie classique: nos actions devraient être jugées au critère de leur possible généralisation. Ne pas agir contre le dérèglement climatique, sous prétexte que notre action n'aurait pas de «chance réelle» de le combattre, cela revient en réalité à contribuer activement à la dégradation du climat et de l'environnement.
Quel motif a conduit le représentant du gouvernement devant la CEDH à quitter l'argumentation juridique et à s'aventurer dans une si piteuse diatribe politicienne? Soyons charitables, retenons l'hypothèse que le Conseil fédéral souhaite perdre devant la cour et qu'il a suggéré à son représentant d'user de raisonnements climatiques confinant à l'ineptie. Faisons preuve de plus de mansuétude encore: il lance ainsi idéalement la campagne en faveur de la «loi climat» que nous voterons le 18 juin.